Quelque part, aux confins du monde...

Le sable dans les poings de Vvarden était encore chaud, et les rayons du soleil couchant baignaient ses yeux d'une douce lumière à travers ses paupières closes.

Elle savourait l'instant, debout au sommet d'une dune, dos au vent tiède qui la caressait et faisait danser ses cheveux autour de son visage. Elle venait de terminer son ultime ouvrage en tant que Contremaître du Saint-Siège.

Achevé mais en suspend, se plaisait-elle à penser, car son ouvrage de land-art dessinait dans l'immensité du désert les mots :

On pouvait naturellement penser qu'il devrait être écrit « les Dieux sont AVEC nous », la devise du Saint-Siège. Mais récemment des voix s'étaient élevées, se rebellaient avec un nouveau mot d'ordre : « les Dieux sont CONTRE nous ».

Vvarden n'avait pas voulu prendre parti, elle laissait l'avenir décider quelle version serait la plus juste.

A moins que ce ne soit encore une autre voix, une autre voie, qui l'emporte ? Loin au Nord en effet un tyran ambitionnait de devenir l'égal des Dieux. Aussi, selon la réussite de ses projets, peut-être lira-t-on un jour « Les Dieux sont COMME nous » ?

A mesure qu'elle divaguait sur le futur, son passé resurgissait.

Des fragments de mémoires affluaient, depuis ses premiers pas sur Terra jusqu'à aujourd'hui. Des vestiges fugaces mais puissants, des doux comme des amers.

Que fallait-il retenir de tout cela ? Que devait-elle retenir de cette vie ?

Elle sourît, connaissant la réponse : rien. Il ne fallait rien retenir.

Tous ces moments, tous ces instants, il fallait les vivre, et les laisser partir.

Alors, le sable dans ses mains comme ses souvenirs évanescents, Vvarden laissa le vent emporter tout.