Une longue journée de labeur avait passé. Antarès contemplait l'ouvrage accompli, la forteresse monacale se développait chaque jour, dans la simplicité et l’endurance. Comme il passait ses doigts dans les flammes, les regardant danser, sans jamais le brûler, il soupira.

Le feu crépita soudain, comme une des bûches s’y effondrait ; le mécréant n'y eût vu rien d'autre que cela : une bûche qui s’effondrait ; mais Antarès écouta, et il entendit, le feu dire ce qu’il avait à dire : « il est parmi nous à présent, le voilà qui arrive, tout de flammes roulant sur le sable du désert. »

Il inspira longuement la fumée qui s’élevait devant lui, puis tourna la tête, rouvrant les yeux ; une lumière bleutée vacillait dans dans l'horizon des dunes de sable du désert.

Ainsi vient cette forme éthérique avec sa découverte d'un savoir qu'elle ne comprend pas. Une force fluctuante qui modèle son environnement sans pour autant le transformer. Une forme qui semble chercher sa matière. Une force qui semble étouffer ce qui l'entoure et se sent obligée de se déplacer en permanence mais le peut-elle ? Elle se propage sans contrôle dans un désespoir infini, sans réel but, subissant la réalité physique d'un monde qui lui impose ses règles.

Alors même que d'inextinguibles questions se posent. Un vent inéluctable se lève, soufflant son âme et sa substance. C'est comme si elle était à la fois poussée et attirée vers quelque chose qui semble transcender le monde dans lequel elle vient d'apparaitre.

Vient le moment où un contact se crée. Une simple boule de paille ? ou est-ce plus que cela ? La voilà partie, au grès des éléments semblant virevolter dans ce qui semble être un désert sans vie ou presque. Toujours attirée par cette force incompréhensible qui semble mener vers quelque chose de plus grand. Le temps passe. L'espoir s'effondre et soudain, une main.

Une main qui ne semble pas se consumer et qui l'accueille. Comme une transition. Un instant si bref mais si indescriptiblement long qu'il semble ouvrir une porte vers l'infini.

Sur combien de lieues avait roulé cette herbe virevoltante enflammée avant d'arriver jusqu'aux portes du Monastère de l'Ordre ? Antarès l'ignorait.

Il l'arrêta de sa main ; il avait déjà vu des flammes bleues quoiqu'il ne se fut jamais expliqué ce phénomène. Il laissa les flammes essayer de se propager, mais elle ne le brûlèrent pas. Il y avait une conscience dans ce feu qui n'avait rien de naturel.

- « Qui es-tu donc ? tu n'es pas la Réponse, pourtant tu ne lui es pas étranger... Reste parmi nous : À toi aussi, la Réponse viendra. »

Ainsi cette course folle s'arrête dans un lieu dont le délivre est encore frais. Etonnamment, il semble y avoir ici quelque chose de différent. Quelque chose qui est, sans encore être. Comme une imperceptible présence dont l'essence est familière. Pour la première fois depuis l'éveil, un certain contrôle semble possible mais est-ce vrai ?

Un esprit troublé soumit à l'abandon depuis qu'il est conscient semble percevoir quelque chose. Une vibration qui le canalise vers un monde moins abstrait. Quelque chose qui semble l'encrer dans une réalité qui lui semble tangible alors que lui même ne l'est pas.

Pour la première fois cette forme hors de contrôle ne peut plus se rependre sans pour autant disparaitre. Alors qu'elle vacille privée de son support physique, le doute l'envahie...

Une main capable de l'alimenter sans pour autant nourrir son expansion semble vouloir l'apaiser.

Trois mois depuis les derniers messages.

Aucune communication, aucun signe de vie. C'est à se demander s'ils (jouent encore) s'ils sont encore présents dans ce désert.

Pas de réponse aux MP, JAMAIS. Une promesse de payement de tribut pas tenue.

Où se trouve le tribut promis aux pirates? Pourquoi n'avoir jamais répondu à aucun message, même pas aux salutations?

Ne savent-ils pas parler, écrire? N'ont-ils pas de clavier peut être?

Ah oui! Un message de leur chef dans la section jeu pour se plaindre, c'est tout...

Pas d'intervention dans aucun des autres évènements. Pas de participation à la vie de terra. Mais pourquoi?

Le feu sacré semble être seul et vivre seul. Mais pourquoi donc jouer à un jeu de RP s'il n'y a pas de RP?

Pourquoi jouer avec d'autres joueurs s'il n'y a jamais aucune interaction entre eux?

Bassard se posait beaucoup de questions et ça le fatiguait, il est un pirate d'action et non pas de blabla, un petit rappel s'imposait.

Dans un anfractuosité de la Montagne Vigilante, Antarès méditait paisiblement, un jeune initié à ses côtés. La lumière de la lave du volcan rougeoyait sur les murs et sur leur peau.
Le moment était proche où la Réponse arriverait, Antarès pouvait le sentir. Jamais il ne l'avait senti aussi vivace, aussi proche de lui.
Manquant de concentration et de tempérance, l'initié ne put résister à parler :
- Prieur ... - dit-il, comme le veut l'usage en s'adressant à Antarès. - Ne redoutez-vous pas ces clans voisins qui se montrent de plus en plus hardis à nos frontières ? Ne croyez-vous pas qu'ils se décident un jour à nous attaquer, nous détruire ?

- Ne sois pas inquiet des forces qui bougent en ce désert, quelque voie qu'elles empruntent, quelque dessein qu'elles envisagent, nous sommes tous les flammes qui dansons au gré du vent, sans qui nous mourrons mais qui pourrait aussi bien nous éteindre.
Aurions-nous dû répondre aux pirates qui exigeaient un tribut ? Dans leur perception du monde sans doute. Mais nous vivons sans rien, nous ne commerçons pas, ne cultivons pas, nous vivons de la rosée matinale et de la chasse vespérale,

nous n'acceptons ni don ni tribut, rien ne saurait nous insulter autant qu'une offrande.
En refusant par le silence de payer Ubar, nous les avons honoré plus qu'ils ne le réalisent sans doute, le comprendront-ils un jour ? Je le leur souhaite, mais s'ils devaient revenir exiger ce qu'ils considèrent comme étant leur dû, la mort dans l'âme nous le leur donnerions, en sachant l'avilissement qui les attend dans la réception de l'offrande.
L'initié ne sut quoi répondre, il était à peu près certain qu'aucun pirate n'envisageait les choses sous cet angle. L'impassibilité du prieur le sidérait cependant, il demeura silencieux, enfin, contemplant le rougeoiement de la lave, il avait au moins raison sur la petitesse des créatures de ce monde, face à la puissance inexpugnable des feux de la Montagne Vigilante.

(J'avais raté le message de Judas m'a-t-on dit, merci pour la relance ;) )