Humains
Femme
Libra
Le Saint-Siège

[Rp ouvert sous réserve que vous me contactiez en amont où soyez membre d'un des deux clans impliqués (Saint-Siège et Ubar)]
Il y en avait quelques-uns pour considérer, comment leur donner tort, que son excellence Sainte-Maude, femme Exaltée, Papesse des Cinq Dieux et Prophétesse (bien qu’elle se montrait beaucoup plus critique de ce dernier point, assurant qu’elle ne voyait pas tant l’avenir qu’une image déformée, correspondant à ce que les dieux jugeaient utiles pour l’envoyer dans une direction donnée), était naïve. Comment leur en vouloir.
La femme avait, à vrai dire, un important passif de bonté ouverte et sincère. Et si elle avait depuis sa tendre enfance connue les violences politiciennes d’un empire en fin de vie, et que sa mort fut celle, brutale, d’une martyre, il était plus simple de se dire que son éternel sourire, son ton maternel,sa volonté de compromis et de consensus n’était que l’expression d’une certaine bêtise. Peut-être. Ceux-là, en partant de ce principe, s’exposaient à des surprises, et pas nécessairement des plus agréables, lorsque l’animal politique, la religieuse obsédée, qui rampait à l’ombre des « paix et amour aux hommes de bonne volonté » se décidait à frapper.
Ainsi, pour beaucoup d’observateurs étrangers, il était encore impossible de déterminer si la visite d’État organisée par le Saint-Siège à Ubar tenait de l’aspect bienveillant, ou de l’aspect politique. Dans tous les cas elle eut lieu, et fut organisée avec soin.
“Mes frères et sœurs", annonça-t-elle enfin en arrivant devant les murs d’Ubar. “Vous vous souviendrez, je vous prie, que nos hôtes ne partagent pas notre modèle de société, et que nous tenons à être de bons invités.”
Le convoi avait été restreint. On avait largement considéré qu’une parade trop importante d’hommes et de moyens aurait pu vexer les pirates, ou attirer leur inimité. En plus de Sainte-Maude, montée sur un dromadaire, il y avait une escorte de cinq templiers, leurs macuahuitl bien visibles mais scellés dans leur garde par des cordelettes, quatre femmes de compagnies représentant en fait les quatre grandes Eglises œcuméniste, deux corps d’Inquisiteurs, dont les grands manteaux noirs et blancs cachaient des livres et des nécessaires d’écriture, venus apprendre ce que les pirates souhaiteraient bien leur partager, plusieurs proches de la Papesse et leaders citoyens qui avaient voulu participer au nom de leurs communautés, deux dromadaires chargés de sac, alcools, livres, bijoux et, naturellement, une suite d’hommes et de femmes qui, au cas où la situation tournait à la beuverie – une crainte bien naturelle quand on se rendait à Ubar – sauraient apporter leurs talents aux festivités. Danseurs, femmes et hommes publics, prenant du plaisir personnel ou voyant comme une mission religieuse leur mise au service des désirs d’autrui, mixologues, une poignée de médecins.
C’était moins que ce qu’on avait initiellement envisagé d’envoyer.
C’est que les pirates étaient comme un miroir inversé du Saint-Siège, répondant à l’incroyable administration de ce dernier par une horizontalité totale. Les centaines d'offices, de commissariats, de fonctionnariats et de loges religieuses de la Croix du Sud, ses rues quadrillées, planifiées, ses banques alimentaires d’où les administrateurs calculaient les besoins de chaque quartier et assuraient aux saints comme au laïcs de leur capitale le niveau de vie le plus élevé du désert, se voyaient opposé une cité de chaos volontaire et heureux, où chacun faisait à sa guise, où les rues s’élevaient, fin mélange entre le luxe d’une cité engraissée par le pillage et les tributs, et les taudis organisés au hasards des implantations individuelles. Du reste, Sainte-Maude était un monarque. Certes religieuse, mais régnant techniquement sur des outils puissants, lui assurant un contrôle qui pouvait à l’occasion être total sur son univers. Ubar, elle, n’était dirigée que par la volonté collective de ses hommes, organisés autour de petits chefs. Allégeances changeant au gré des évènements.
Pouvait-on concilier deux univers si profondément étrangers ? Elle y croyait. Les relations avec les pirates n’étaient pas bonnes à proprement dites, mais on lui avait rapporté plusieurs actes de fraternisation à la frontière. Du reste, ses lettres avaient reçu des réponses des plus plaisantes, quoi que dans des tons parfois vaguement hypocrites.
Enfin, la cohorte arriva devant les portes d’Ubar. Sainte-Maude retira les pieds de ses étrillés et sauta dans le sable. Elle ne souhaitait pas que sa première rencontre avec un pirate depuis la chute de Sanctuarium se fasse en le regardant de haut. Le cuir craquelé des rênes couina doucement lorsqu’elle les tendit à l’un des templiers, et se mit à marcher, dans le sable aplatit, jusqu’aux grands battants de bois. Ubar. Elle prit soudain conscience du soleil qui s’abattait sur sa peau, et de la lourdeur de ses habits. Elle chassa le monde physique, son corps n’était qu’un vaisseau, et se força à garder les yeux sur la porte. Elle lui apparaissait maintenant dans tout ses détails. Du vieux bois, poncé par le sable. Du vieux bois.
Ubar.
Les choses avaient-elles tant changées, depuis trente ans ? Elle, en tout cas, avait changée. Même si Ubar était la même, une donnée de l’équation était tout de même différente. Et le résultat...
Elle chassa le doute comme elle avait appris à le faire. Le résultat serait bon, car conforme aux attentes des Créateurs. Loués soient leurs noms.
- 5
- 2
Humains
Homme
Libra
Le Saint-Siège

Au milieu de cette cohorte de religieux, militaires et médecins, Longinus avançait. Loin d'être dans la ligne de front aux côtés des templiers et de sa cheffe, il trainait à l'arrière en maudissant ce désert infini et brulant. Quelques jours sur les chantiers avaient réussi à le ramollir.
Parfois, il prenait son courage à deux mains et accélérait la marche pour rejoindre les premiers en espérant apercevoir de loin les murs d'Ubar et, à chaque nouvelle déception, se mettait à trainer des pieds. Heureusement quelques liqueurs dans ses poches cachées lui permettaient de tenir et de reprendre des forces, mais, même là, il se limitait pour éviter d'être saoul comme cochon à l'arrivée. En plus, il se devait de garder quelques provisions pour les partager avec certaines connaissances et, surtout, pour survivre à la réunion même. Des blablas sur la religion et sur les dieux qui risquaient de ne plus en finir, quelle corvée !
Enfin, il était quand même venu. Il avait suivi la foule pour montrer l'exemple et pour montrer qu'il était digne de son beau nouveau poste d'intendant ! Quelle bêtise. De la nourriture, de l'alcool et des femmes, voilà ce qui motivaient vraiment un homme et Longinus ne se gênait pas pour gouter le deuxième et lorgner sur le troisième sur la route. Il manquait plus que d'arriver sur place pour profiter aussi du premier.
Plus que de jeter un coup d'œil, il profita du trajet pour discuter avec les danseuses et les "femmes publics" (quel charmant nom) et faire connaissance avec ce jolie petit monde. Après tout, s'il était devenu intendant, c'était pour sa qualité d'homme du peuple, pour son aspect si rustre et sa facilité à parler à tout le monde. Il ne pouvait prendre la grosse tête et se devait même de continuer à entretenir des liens étroits avec les gens du peuple. Il ne faisait donc que son travail et, même sur un tel trajet, il ne s'arrêtait pas de trimer. Quel homme !
- 3
- 4

Byurus marchait lentement entre les dunes en direction d'Ubar, le dos lacéré par les lanières qui s'enfonçaient dans ses épaules sous le poids de l'important butin de la campagne Ishtarienne. Il avait choisi de partir en avance afin de pouvoir en escamoter une grande partie sans craindre qu'un autre pirate ne découvre sa planque.
Transporter pareil butin est épuisant physiquement mais c'est surtout une épreuve pour les nerfs : en effet, Byurus craignait à tout instant d'être attaqué par des voyageurs motivés par l’appât du gain. La renommée des guerriers Ubarites lui assurait une relative sécurité habituellement, mais transporter un sac à dos aussi volumineux c'est se coller une cible sur le dos, il était bien placé pour le savoir.
Pire que tout, il avait fini ses réserves de rhum et avait dû se contenter d'eau puisée dans une oasis à proximité. Heureusement pour lui, les murailles d'Ubar (si on peut appeler murailles l'empilement chaotique de morceaux de bois maintenus les uns avec les autres avec de la grosse corde) se dressaient derrière la crête de la dune sur laquelle il se trouvait. Encore quelques pas et il apercevrait enfin la grande Ubar, fière capitale de la piraterie, le seul endroit où il s'autorisait à se séparer de sa fidèle hache.
Arrivé en vue d'Ubar, il se jeta au sol aussitôt. En effet, une véritable armée campait devant les portes, visiblement depuis quelques jours.
Pris de panique, il redescendit d'une bonne vingtaine de mètres hors de vue, creusa un grand trou dans le sable, y enterra son sac à dos, camoufla ses traces en érodant la dune juste au dessus puis s'autorisa à souffler.
Une armée aux portes d'Ubar ? Mais ils avaient pourtant passé des accords de protection avec toute la région à prix d'or, qui pouvait donc être encore assez riche pour entretenir une armée de cette taille ?
Byurus revint observer discrètement les visiteurs. Ils avaient l'air bien détendus. En effet ils campaient à même les murs de la ville dans un mépris total pour l'art de la guerre. Mais peut-être n'étaient-ils pas en train d'assiéger la ville ? Les étendards étaient en effet aux couleurs du Saint Siège, une cité avec qui les pirates étaient en relativement bons termes. Rassuré mais pas téméraire, c'est sans son sac à dos qu'il descendit accueillir le cortège.
Valdania vous bénisse, mes amis ! Je vais vous demander de rester à nos portes le temps que la plupart des pirates reviennent de campagne pour des raisons évidentes de sécurité mais sachez que je me réjouis à l'avance du festin qui s'annonce !
Sans plus de cérémonies, Byurus prit congé et se rua vers la taverne. Pendant tout le trajet il avait rêvé de rhum, il allait enfin pouvoir étancher sa soif !
- 4
- 1

Pendant ces deux semaines les Ubarites avaient eut le temps de piller les provisions de Polaris, d'éradiquer la moitié de l'ordre du feu sacré et de rayer de la carte le risible royaume d'Istharie. Les deux premiers événement donnerait lieu à des railleries et des chansons pour les mois à venir. Le troisième serait une note de bas de page, même dans les chroniques les plus inintéressante. Cette suite d'évènement avait toutefois fourbu le capitaine d'Ubar qui n'aspirait qu'à un moment de paix et de spiritualité. Manque de chance.
L'organisation de ce grotesque festival avait été laissé aux pirates volontaires, ceux qui accepteraient de prendre de leur temps libre pour préparer une danse, un discours, une effigie à bruler. Inutile de dire que la majorité de la population avait préféré parcourir les décombres de la nouvelle Isthar ou se saouler au grand bal d'Altair plutôt que de s'atteler à une telle entreprise.
Le grand Judas n'était pas en reste. Écœuré par l'odeur de la foule, excédé par les grandes cérémonie il avait fait mine d'ignorer l'existence de la fête jusqu'à son retour d'Istharie. Vaine manœuvre : devant l'effroyable barbacane de la ville s'amassaient déjà les convives. bidasses et curés, putes et laquais, ils semblaient là uniquement pour le tourner au ridicule.
Il descendit de chameau et finit le trajet à pied en le tirant par la bride. Les pères fondateurs d'Ubar se montraient élogieux à l’égard de la sainte Maude et il aurait été de mauvais aloi de l'insulter dès leur première rencontre. L’équilibre subtil de l'insulte et de la déférence était le ciment de la cohésion hiérarchique d'Ubar. Un leader trop affable finissait bien vite égorgé dans son sommeil, un subordonné trop insolent finissait bien vite pendu par les pieds.
Il approcha la sainte en silence pour se placer entre elle et la porte de la ville puis, dans un mouvement de cape théâtrale, lui fit sa plus belle révérence. Suffisamment basse pour être respectueuse, assez basse pour être moqueuse, trop basse pour être socialement correcte.
Votre sainteté, pardonnez mon retard. J'ai souffert durement l'attente de vous rencontrer en personne. J'espère ne pas être le premier à vous accueillir ?
De grâce faites entrer votre suite, ne vous embarrassez pas de tant de mondanités. Qu'ils trouvent un endroit où laisser leurs paillasses et nous pourrons nous mettre à pied d’œuvre pour ce qui nous attend.
Sans déplier son dos il désigna la porte de la ville des deux bras pour inviter la papesse et ses suivants à entrer. Quand il se releva il asséna un coup de badine ferme mais sans cruauté à sa monture qui se dirigea d'elle même à sa yourte. Il accompagna le cortège diplomatique du saint siège à pied. Indisposé, mais avide de faire son devoir.
Quel châtiment d’accomplir si basse besogne, mais quel privilège de représenter la grande Ubar.
- 3
- 1
Humains
Homme
Libra
Le Saint-Siège

Enfin, les murs d'Ubar se dessinaient à l'horizon. Plus qu'une poignée de kilomètres avant d'atteindre la ville, si on peut appeler ça une ville. Des tentes, des taudis, les pirates vivaient à peine mieux que les nomades de La Caravane, comment pouvaient-ils supporter de telles conditions ? Sans jolie maison, sans un feu pour les réchauffer au creux d'une belle cheminée et sans lit douillet ? De véritables sauvages. En plus, on les faisait attendre, sous le soleil écrasant de ce fichu désert.
Heureusement, il ne fallut que quelques minutes pour qu'un vieil homme vienne les accueillir. Quelques minutes finalement précieuses pour Longinus et lui permettant de rejoindre le devant du cortège, de se tenir près de sa cheffe plus pour se faire voir que pour la protéger. N'osant pas prendre la parole, il fut tout de même surpris de reconnaître l'étrange moine, grand défenseur de Valdania. Ses paroles calmèrent aussitôt Longinus, comment pourrait-il en vouloir aux pirates de les faire attendre s'ils revenaient d'une bataille ? Ils devaient revenir rempli de bons souvenirs et de trésors, quelle chance.
Ensuite, un homme masqué les accueillit et les invita enfin à rentrer. Il fit même une révérence à Maude, effort que Longinus lui-même n'avait jamais fait. Il restait tout de même déçu de ne pas voir Nalva et d'être reçu à la place par un simple laquais. Il se permit donc de rejoindre rapidement l'inconnu pour lui glisser quelques mots.
- B'jour mon brave, j'suis Longinus, grand intendant du Saint-Siège, et vous êtes ?
Longinus glissa un œil vers les vêtements de Judas pour y trouver quelques traces de la bataille du royaume d'Istharie.
- Votre ami a dit que vous reveniez de campagne, vous vous êtes bien amusés ?
- 1

Adossé contre un mur, une bouteille encore à moitié pleine à la main, un vieil ivrogne cuvait tranquillement son rhum.
En face de lui, il voyait les préparatifs du banquet. De toute évidence, l'armée de serviteurs qui composait une grande partie de l'équipage du Saint-siège avait anticipé les conditions rustiques d'Ubar et ils s'affairaient à orner les tables constituées de planches de bois brut posées sur des tonneaux de nappes, chandeliers et couverts en argent, plats de toutes tailles et de toutes formes.
C'était bien la première fois qu'un aussi beau butin échouait à Ubar sans qu'il aie fallu le prendre par la force. Byurus se demanda un instant s'ils ne devaient pas changer leurs méthodes avant de se raviser : Organiser des vols de cette envergure de façon régulière nécessitait qu'Ubar améliore sa réputation auprès des autres clans et il n'était pas question de se passer de l'ivresse des combats.
Le vieux moine ne connaissait pas la moitié des fruits qui furent placés sur la table, signe que le saint-siège bénéficiait d'une route commerciale dont les pirates n'avaient pas connaissance. Il allait falloir enquêter, débusquer, intimider, extorquer un droit de passage aux marchands indélicats, la routine.
Mais des affaires plus pressantes se profilaient.
Byurus se leva péniblement et se dirigea vers l'une des tentes du saint-siège.
Mon gars ? Y'a quelqu'un ?
Longinus eut l'air surpris. Avant qu'il ait le temps d'ouvrir la bouche, Byurus entonna :
Viens avec moi, on va discuter !
Byurus entraina Longinus. Quand il se sentit suffisamment à l'écart des oreilles indiscrètes, il continua :
Dis moi, mon gars, ça fait un bout de temps que je t'observe et t'as l'air d'avoir un caractère qui plairait à Valdania, louée soit-elle.
Puisque nos clans seront peut-être bientôt en affaires, que dirais-tu de nous rendre un petit service ? Rien de bien méchant, juste glisser quelques mots élogieux à notre sujet de temps en temps, abonder les propositions à l'avantage d'Ubar. Tu vois, renforcer nos liens ne peut qu'être bénéfique à nos deux clans et c'est malheureux mais la diplomatie entre cités a parfois besoin de petits coups de pouce. Tu participerais à la gloire du Saint-siège et en plus de ça je suis prêt à t'offrir un tonnelet du véritable rhum de cactus d'Ubar !
Marché conclu ?
- 2
- 1